Nous aimons la forêt ; nous avions même besoin d'elle, oserai-je dire. Sentir l'odeur des pins frais se mêlant à celle, puissante de la terre; la fraicheur de la rosée s'accrochant à nos poils entremêlés, la douceur des brins d'herbe sous nos coussinets... autant de détails qu'un humain ne pouvait percevoir. Mais nous si. Nous ressentions la nature et ses appendices multiples. Plus encore quand nous revêtions notre apparence originelle. Nous parcourions ces bois dont nous nous étions proclamées maîtresse en l'absence de rival. Ce territoire était notre. Et nous le connaissons par cœur. Notre souffle était régulier dans notre course, alors que nous nous ébattions par simple plaisir de se dégourdir les muscles. Nous avions délaissés cet endroit que tu appelais ta “niche”. Non pardon, notre “chez-nous”, il est vrai. Ce cabanon ridicule au fond du cimetière qui servait de garde-manger quand l'envie de chasser se faisait dissidente.
Nous nous arrêtâmes finalement, revenant à notre point de départ, une souche servant de repère ou tu avais laissé les vêtements humains qui couvraient notre corps quand nous nous mêlions à ces sacs à viande. Ridicules offices. Le temps d'un clignement d'yeux et notre fourrure blanche éclatante disparue, cédant place à une peau humaine. Les crocs devinrent des dents plates, les pattes solides des bras maigrelets. Apparence ridicule qui me répugnait, mais que toi, Mona, tu aimais avec une sorte de tendresse fanatique. Tu repris tes vêtements, après t'être étirée longuement. Tu remis ton t-shirt et ton pantalon et vint t'asseoir sur la vieille souche, retournant à ton bain de soleil, te prélassant.
Notre tranquillité, cependant, fut de courte durée. Bientôt, nous sentîmes une présence. Proche. Une odeur inconnue, mais pourtant semblant familière, pas encore assez proche pour être clairement identifiée. Tu clignas des yeux et te redressa dans la direction d'où la fragrance semblait venir. Tu penchas la tête.
« Bonjour ? L'autre veut-il venir gouter le Soleil avec Mona ? »
Ta proposition sonnait comme une nouvelle folie. L'individu prendrait-il peur, fuirait-il afin que nous lui donnions la chasse ? Oh, ce serait si doux, si distrayant. Rien de mieux qu'une bonne course après les sacs à viande pour se mettre en appétit.